Grâce à des méthodes de détection sophistiquées, les astronomes ont découvert des planètes tournant autour d’autres étoiles que le Soleil : les exoplanètes. En 15 ans, des centaines d’autres mondes ont déjà été répertoriés et laissent entrevoir des systèmes solaires bien différents du nôtre.

L’astronome suisse Michel Mayor qui, avec son compatriote Didier Queloz, découvrit en 1995 la première planète tournant autour d’une étoile autre que le Soleil aime citer le philosophe greg Épicure (341-270 av. JC). Ce dernier écrit dans sa Lettre à Hérodote que les atomes « qui donnent naissance à un monde, ou qui le constituent, ne sont pas épuisés par la formation d’un seul monde ou d’un nombre fini de mondes […]. Rien par conséquent ne s’oppose à l’existence d’une infinité de mondes« .

Presque 2000 ans plus tard, à la veille de l’invention de l’astronomie moderne par Galilée, l’Italien Giordano Bruno est brûlé vif par l’inquisition le 17 février 1600 pour avoir notamment affirmé « qu’il existe une infinité de terres, une infinité de soleils et un éther infini« .

Il faudra attendre la toute fin du XXe siècle pour avoir enfin la confirmation de la pluralité des mondes, c’est-à-dire de l’existence de planètes extrasolaires, également appelés exoplanètes. En annonçant, le 23 Novembre 1995 dans la prestigieuse revue scientifique « Nature », la découverte d’une grosse planète tournant autour de l’étoile 51 de la constellation de Pégase (51 Peg), Michel Mayor et Didier Queloz provoquent une explosion médiatique tout en validant les thèses d’Épicure et de Giordano Bruno : d’autres systèmes solaires que le nôtre existent.

Les deux chercheurs suisses lancent du même coup la troisième révolution astronomique du XXe siècle : après la relativité et la compréhension de la nature des étoiles débute l’ère des exoplanètes.

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Plus de 500 planètes extrasolaires détectées

Depuis la découverte du compagnon de 51 Peg, plus de 500 planètes extrasolaires ont été répertoriées et plus d’un millier de candidates attendent leur « homologation ». En effet, la plupart de ces astres n’ont pas été vus, mais seulement détectés de manière indirecte. La faute en revient à leur étoile : aux distances phénoménales où les astronomes observent chaque planète, celle-ci semble collée à son soleil et baigne dans sa lueur, elle devient quasiment impossible à distinguer. Il faut imaginer un ver luisant prenant p lace sur le guidon d’une moto en pleine nuit : à plusieurs centaines de mètres de distance, seul le phare puissant du deux-roues serait visible.

On doit à deux modes de détection indirecte la découverte de la plupart des planètes extrasolaires.

Le premier dit « de la vitesse radiale« , qu’exploitent notamment Michel Mayor et son équipe, est particulièrement sophistiqué. Il part du principe que si une étoile est dotée d’au moins un compagnon, la présence de celui-ci va l’obliger à tourner autour du centre de gravité du système. Notre Soleil n’échappe pas à cette règle et n’est pas immobile au centre du système solaire. Le problème est qu’il est, là encore, très difficile d’observer cette infime rotation en observant simplement l’étoile au télescope.

Pour surmonter cet obstacle, les astronomes se sont servis de l’effet Doppler-Fizeau. De quoi s’agit-il ? Lorsqu’une ambulance déclenche sa sirène, les piétons vers qui le véhicule s’avance entendent un son plus aigu que les ambulanciers. Dés que l’ambulance est passée et s’éloigne, le son de sa sirène est tout d’un coup plus grave. Dans le premier cas, la fréquence du son est décalée vers le haut du spectre tandis que dans le second cas, elle est décalée vers le bas.

Cet effet bien connu avec les ondes sonores fonctionne de la même manière avec les ondes lumineuses. En tournant autour du centre de gravité du système qu’elle forme avec sa planète, l’étoile s’approche très légèrement de la Terre puis s’en éloigne, comme l’enfant que vous regardez s’amuser sur un manège. Quand l’étoile vient vers nous, la lumière que nous en recevons est décalée vers le haut du spectre (vers la couleur bleue) et quand elle s’éloigne, elle est décalée vers le rouge. De ces minuscules changements, les astronomes peuvent déduire des informations sur l’orbite de la planète et avoir une indication de sa masse.

« Jupiter Chaudes »

La seconde méthode de détection indirecte, dite « du transit« , consiste à espérer que la planète passera entre son étoile et nous. Durant ce passage, la planète masquera une patite fraction de la surface de son soleil et, en mesurant la baisse de luminosité de l’étoile, les astronomes pourront en déduire le rayon de la planète.

Le principal inconvénient de cette technique est qu’elle ne fonctionne que si la Terre, la planète et son étoile sont parfaitement alignées. Il faut donc une part de chance pour détecter une planète ainsi, ou bien multiplier les observations pour augmenter la probabilité de réussite. C’est la stratégie retenue par deux télescopes spatiaux, COROT, développé par le Centre national d’études spatiales (CNES) et lancé en 2006, et Kepler, un instrument de la NASA partis dans l’espace en 2009.

La méthode de la vitesse radiale et celle du transit favorisent toutes les deux la détection d’exoplanètes massives et proches de leurs étoiles. C’est pour cette raison que les premières planètes extrasolaires découverts ont été surnommées les « Jupiter Chaudes » : « Jupiter » parce que cette planète géante, constitué d’un noyau de glaces et de roches entouré de couches d’hydrogène métallique, liquide et gazeux, est la plus grosse de notre système solaire ; « chaudes » parce que naviguant très près de leur soleil, ces astres ont forcément une température de surface très élevée.

Pour reprendre le cas du compagnon de 51 Peg, qui fait environ la moitié de la masse de Jupiter, il se situe à un peu moins de 8 millions de kilomètres de son étoile et en fait le tour en quatre jours seulement. On estime qu’à sa surface il ne fait pas moins de 1000°C. A titre de comparaison, Mercure, la planète la plus proche du Soleil, en est éloigné de 58 millions de kilomètres, et sa révolution dure 88 jours.

Migrations planétaires

La découverte d’une Jupiter chaude fut une surprise énorme pour les planétologues. En effet, se basant sur notre système solaire (le seul qu’ils connaissaient à l’époque) où les petites planètes rocheuses (Mercure, Vénus, la Terre et Mars) sont proches de notre astre du jour et les grosses planètes gazeuses (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune) en sont éloignées, ils ne s’imaginent pas trouver de géante à proximité immédiate d’une étoile.

Ils se sont aussitôt demandé comment elle avait pu arriver là. En effet, les modèles prévoient que, juste après la naissance de l’étoile, les planètes géantes ne puissent se former qu’à bonne distance du feu stellaire en tirant leurs matériaux du disque de poussières de gaz qui entoure l’étoile. Pour aboutir au voisinage de leur soleil, elles ont donc dû migrer et parcourir des centaines de millions de kilomètres. Comment ?

Le scénario le plus largement développé fait intervenir des interactions complexes avec le reste du disque de gaz et de poussières, interactions qui « poussent » la jeune planète vers le centre du système solaire. Il se peut d’ailleurs que certaines n’arrivent pas à s’arrêter dans leur voyage et se précipitent tout droit dans la fournaise de leur étoile… Un autre scénario explique la migration de la planète par l’interaction gravitationnelle avec d’autres planètes géantes en une sorte de grand jeu de billard cosmique.

Les super-terres

Avec l’amélioration constante des techniques de détection, les astronomes repèrent des planètes de plus en plus nombreuses, mais aussi de plus en plus petites et plus en plus éloignées de leurs étoiles. On est même parvenu à voir directement quelques exoplanètes.

Après être parti des Jupiter Chaudes, on arrive ainsi aux super-Terres, des planètes rocheuses un peu plus grosse que la nôtre. Un des meilleurs exemples est sans doute celui de la troisième des quatre (voir six) planètes en orbite autour de Gliese 581, une étoile située à 20 années-lumière de nous dans la constellation de la Balance. La masse de cette planète est 5 fois plus élevée que celle de la Terre. D’autres, plus légères qu’elle, ont déjà trouvées mais celle-ci se révèle particulièrement intéressante par sa position dans son système solaire.

Située à 11 millions de kilomètres de son étoile, elle en fait le tour en seulement 13 jours. Ces chiffres pourraient laisser croire que cette planète est un enfer brûlant mais il se trouve que Gliese 581 est différente de notre Soleil. il s’agit d’une naine rouge, une étoile beaucoup moins chaude. Par conséquent, sa troisième planète pourrait bien connaître des températures clémentes, disposer d’eau sous forme liquide à sa surface et, pourquoi pas, être susceptible d’accueillir un forme de vie… Il n’est pas non plus exclu qu’il s’agisse d’une planète océan, entièrement recouverte d’eau.

Car dès qu’il s’agit de modéliser les propriétés que pourraient avoir les exoplanètes, les astronomes ont autant d’imagination que les scénaristes de Star Wars ou de Star Trek. Dans un article paru en 2007 dans The Astrophysical Journal, une équipe américaine a exploré les compositions possibles des planètes en fonction de leur masse et de leur rayon. Les résultats sont assez surprenants. Bien sûr, les planètes rocheuses arrivent en bonne place dans cette modélisation, mais on y trouve aussi des planètes contenant une large part de glace, des astres de carbone ainsi que…des planètes de fer.

A retenir

  • La première planète tournant autour d’une étoile autre que notre Soleil a été détectée par une équipe suisse en 1995, une découverte confirmant les théories sur la pluralité des mondes émises par les philosophes depuis l’Antiquité.
  • Pour trouver ces exoplanètes, les astronomes utilisent essentiellement des méthodes de détection indirecte, soit en mesurant le mouvement que les étoiles font sous l’influence de ces planètes, soit en guettant une légère diminution d’intensité de la lumière de ces étoiles lorsqu’une planète passe devant elle.
  • Les chercheurs ont été surpris de découvrir des planètes géantes, analogues à notre Jupiter, à proximité immédiate de leurs étoiles, ce qui les a obligés à revoir leur scénario de formation des systèmes solaires.
  • Après 15 années de chasse aux exoplanètes, les astronomes ont plusieurs centaines de découvertes à leur actif. Ils perfectionnent leurs techniques et détectent des objets de plus en plus petits et de plus en plus éloignés de leurs étoiles.
  • Le but de ces recherches est de trouver des planètes analogues à la Terre et situées dans des zones propices à l’apparition de la vie.
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